Attention cet article de blogue peut donner la nausée. Surtout si vous achetez régulièrement du vin ou des spiritueux à la Société des Alcools du Québec. Vous avez été averti. Si la frustration envers quelques abus du gouvernement du Québec vous vient rapidement, arrêtez immédiatement la lecture de cet article. Vous avez été averti.
Je me suis récemment demandé quelle était la réelle part de profit de la SAQ, et donc du gouvernement du Québec, derrière chaque bouteille de vin que nous achetons en quantité assez impressionnante quotidiennement. La légende dit que le taux de profit de la SAQ est assez élevé. Combien de fois avez-vous déjà vu des européens ou américains faire le saut ou écarquiller grand les yeux à la vue des prix de la SAQ sur le vin et les spiritueux? Moi, très souvent.
Nous québécois ne réagissons pas aussi fort qu’eux, ne pouvant pas vraiment comparer à d’autres sources , étant donné la situation quasi monopolistique de la SAQ à propos de la vente d’alcool au Québec.
Qu’en est-il des détails derrière ces prix? Est-ce que le profit est si énorme que la légende le dit?
Est-ce un secret d’état?
Secret pas vraiment. Énorme? À vous de juger.
Rapport annuel 2014 de la SAQ
La SAQ publie à chaque année son rapport financier annuel. Dans ce document, la SAQ exprime beaucoup de chiffres (et de blablah marketo-coporatif). Je vous résume les informations pertinentes et reliées au profit fait sur la vente d’alcool.
Premièrement, des chiffres globaux. Ça part toujours bien.
- 2.934 milliards $CAN en vente totales
- 1.5 milliard $CAN en bénéfice brut, 1 milliard en bénéfice net (après salaires , loyers, marketing, et autres dépenses)
- 1.003 milliard $CAN en dividende au gouvernement du Québec par ses profits net
- 563 millions $CAN de taxes de ventes (+ taxe spécifique et d’accise) au gouvernement du Québec
- 1.569 milliard $CAN total retourné dans les poches du gouvernement du Québec.
Donc, pour pour 3 milliards de vente, 1.5 milliards en bénéfice brut, c’est dire que pour 1.4 milliards en coûts d’achats aux producteurs, 1.5 milliards en profit. C’est donc plus que 100% de profit par rapport au coût d’achat!
Détail de la répartition de prix d’une bouteille de vin
La SAQ nous indique même la répartition du prix de vente par bouteille. Voici un exemple d’une bouteille que vous achetez 16$ à la SAQ.
Répartition et structure de prix derrière l’achat d’une bouteille de vin de 16$ CAN.
Les chiffres de la SAQ, particulièrement les pourcentages sont un peu trompeurs.
Pour une bouteille vendue 16$, la SAQ l’achète au producteur à 5.44 $. Se rajoute une majoration de 7.34$.
La SAQ semble indiquer que c’est une majoration de 45.3%. Toutefois, ce pourcentage n’indique que le pourcentage total de la majoration versus le prix total.
En réalité, la SAQ fait une majoration de prix de 7.34 sur un prix d’achat de 5.44 ce qui équivaut réellement à une majoration de 135% (7.34/5.44). La plupart des entreprises appliquent une majoration de 10% à 20% sur leur prix d’achats (je dis en général, car il y a de belles exceptions à cette règle).
Ensuite, le gouvernement se sert avec une taxe spécifique + taxes de ventes (provinciales et fédérales).
Donc, sur l’achat d’une bouteille de vin à 16$, 5.44 $ vont au producteur, 11.60$ vont aux gouvernement, principalement le gouvernement du Québec.
Vous voulez mon opinion? C’est épouvantable comme structure de prix.
Évidemment, la SAQ profite de leur pouvoir d’achat de gros pour avoir de bons prix. La bouteille que la SAQ achète à 5.44 $ au producteur, vous ne pourriez l’acheter à ce prix si vous transigiez directement au producteur ou à travers un réseau de vente moins imposant que la SAQ.
Mais , ce pouvoir d’achat, le consommateur n’en profite pas directement. Ce monopole, tout comme les jeux de hasards au Québec, sert principalement comme vache à lait gouvernemental.
Spiritueux, c’est encore plus triste
Pour les spiritueux, vous pouvez voir que la majoration est encore plus importante. Lors de l’achat d’un spiritueux de 22.80$, seulement 3.72$ est le prix du fournisseur. La majoration est de 316%! C’est dire que 83.5% du prix de l’achat d’un spiritueux va en taxes gouvernementales!
Terrible!
Les exemples ci-haut de répartition de prix indique une majoration de 135% et 316% tandis le profit brut total de la SAQ pour 2014 est de 103%.
Ces chiffres semblent corrober la rumeur voulant que plus le prix d’achat (et de vente) des bouteilles est élevé, le pourcentage de majoration diminue.
C’est triste à dire, mais les plus riches boivent du bon vins, et les moins nantis boivent des taxes.
Une réalité mondiale?
Si ces informations ci-haut étaient connues de tous, je crois qu’il y aurait peut-être plus de grogne générale au Québec.
Le gouvernement doit se financer de plusieurs sources, mais aller chercher 1.5 milliards annuellement en appliquant des majorations de 135% et 316% , par un monopole sur l’alcool me semble déraisonnable, sinon très exagéré.
D’autres provinces canadiennes appliquent également de grandes marges de profit, mais pas autant que le Québec.
Plusieurs autres pays appliquent des taxes sur l’alcool variant de 3% à 50%. Rien de comparable au Québec.
Détails par pays des taxes sur l’alcool.
http://www.icap.org/LinkClick.aspx?fileticket=Gf4%2BQD%2BX1hU%3D&tabid=75
Prix au restaurant
Pour terminer en beauté cet article ‘haut le coeur’, je vais prendre la bouteille à 16$ que vous achetez à la SAQ.
Si vous en avez une envie de l’acheter au restaurant pour accompagner un joli plat culinaire, normalement il vous sera vendu environ 2.5 fois plus cher qu’en SAQ. Donc on parle ici d’un prix de vente de 40$.
Je vous rappelle que cette bouteille a été achetée 5.44 $ au producteur.
Si vous avez maintenant la nausée, je vous avais averti au début de l’article.
Tant pis pour vous mais maintenant vous connaissez les détails derrière le prix d’achat à la SAQ.
P.S. Vous n’échapperez malheureusement pas à cette terrible structure de prix si vous passez par des importations privées. La SAQ oblige les importateurs à passer à travers les réseaux de majoration de la société. Malheureusement. Très malheureusement.
J’aurais du arrêter de lire lorsque tu nous l’a suggéré… :S
Petit addenda , pour ajouter quelques détails à cet article. Il y a eu beaucoup de commentaires sur cet article, tant mieux, cet article atteint son but:, faire réfléchir et discuter à propos de cette situation. Quelques explications sont toutefois nécessaires.
– Le total d’argent retourné aux gourvernement est bien de 1.5 milliards. Les taxes (spécifiques, TVQ, TPS, accisses) ne sont pas calculés dans les revenus brut d’une entreprise. Comme expliqué dans l’article, 1 milliards est retourné venant des profits bruts, et 500+ millions viennent des multiples taxes gouvernementales. Je vous invite à lire en détail le rapport financier de la SAQ pour plus de détails (J’y ai même mis l’URL de ce rapport).
– Certaines personnes mettent en doute l’affirmation de mon article qui cite : « La plupart des entreprises appliquent une majoration de 10% à 20% sur leur prix d’achats « . Je prends soin de dire que c’est en général et qu’il y a des exceptions. J’ai pu travailler au sein de plusieurs entreprises et cette majoration, appelons la ‘marge brute’ varie énormément d’une entreprise à l’autre. En fait, c’est plus le contexte de marché qui fait varier cette marge.
Certains contexte de vente forcent les entreprises à appliquer des marges brut élevées. Les vêtements et la bouffe en sont de bons exemples. Ces entreprises travaillent avec des marges brutes élevées car elles doivent compenser les stocks invendus dû à de multiples raisons: Grandeurs restantes, changement de saison ou de mode, restant de bouffe non consommées.
Pour bien comparer des pommes avec des pommes, prenons des exemples qui sont dans des contextes de marché similaires à la SAQ. Entreprise avec un large volume, beaucoup de vente régulière, stock peu ou pas dépendants des saisons ou de grandeurs, un inventaire qui s’écoule généralement bien et sur une base constante et régulière.
Costco et Canadien Tire me sont venus en tête. Ces entreprises sont plus proches de la SAQ qu’un restaurant ou d’un Reitmans.
– Costo a une marge brute d’achat qui varie dans les 12 à 13% selon les trimestres.
http://ycharts.com/companies/COST/gross_profit_margin
Canadian tire, dans dernier lors du Q1, a déclaré une marge brute de 28%.
http://corp.canadiantire.ca/EN/Investors/Documents/Q1%202014%20Earnings%20Release%20with%20MDA%20and%20Financials.pdf
Évidemment, d’autres exemples vont venir prouver que d’autres entreprises ont de plus grande marges de profit brut. Les contextes vont varier, ainsi que la volonté de profit des actionnaires derrières ces entreprises.
Lors de mes quelques voyages, j’ai pu demander à deux propriétaires de boutiques d’alcool (que je connaissait pas l’entremise d’amis) quels étaient leur marge brute appliquée à leur bouteille.
À NYC: 30%.
À Hong Kong: 20%.
D’accord mon ‘10% à 20%’ est peut-être un peu bas. Je remercie ceux qui me l’on fait remarquer.
Toutefois, je crois que la réalité en générale est loin du 135% ou même du 316% appliqués aux spiritueux.
Disons donc: Une marge brute de 15% à 40%. C’est peut-être un peu plus réaliste, dans le contexte similaire à une SAQ.
N’hésitez pas à commenter vos points de vue, je voulais faire réagir et discuter les ‘internautiens’. !